Les Auvens de Noué / Calendrier de l'Avent

Lundi 18 décembre

Conte de la Pierre-qui-vire

Interprété en français par Jean-Luc Debard 

Pour plus d’informations sur la source cliquez ici.

Interprété en Auxois-Morvan par Jean-Luc Debard 

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Conte de Noël, tiré de « L’Âme du Morvan » (A.Guillaume), adapté par JL Debard pour le spectacle Bin né mau né

 

La nuit de Noël, au premier coup de minuit, au clocher de Vaumarin, la grosse pierre qui se dresse toute seule, au milieu des bois, au croisement des sentiers – on disait que c’était sur cette grosse pierre noire que l’peu présidait ses sabbats – se mettait à virer et elle décachait, par en dessous, une grotte, une cave, une resserre remplie d’or, d’argent, de pierres précieuses…un vrai paradis – c’était le trésor des fées que disaient les vieux – et, si quelqu’un pouvait se trouver là, à cet instant-là, il n’aurait qu’à se servir. Mais au 12ème coup de minuit la pierre se dévirait et il ne restait rien de ces oreries et de ces richesses ; il fallait attendre le Noël de l’année d’après pour que le miracle se reproduise ; le reste de l’année, vous pouviez toujours essayer de pousser, tirer la pierre, vous ne la faisiez bouger d’un centimètre. 

C’est pour cette raison qu’on appelait cet endroit La Pierre-qui-Vire

 

Ce n’était pas la première fois que la Janie, la femme du Jacquot du meurger des balais, entendait cette histoire, à la veillée de Noël ; mais cette année, assise dans le quart de la cheminée, berçant son p’tiot enfant, en attendant la messe de minuit, elle était bien décidée: à minuit, elle irait vers la pierre. Elle en avait même causé à son homme le Jacquot qui l’avait bien épantée et lui avait défendu d’y aller. Mais elle était tellement envieuse de voir son p’tiot devenir le plus riche du pays !…rien ne pouvait plus l’arrêter….

… et si c’était vrai ce que racontaient les vieux ?

 

Elle a eu tôt fait de trouver une excuse pour ne pas aller à la messe ; elle n’allait quand même sortir dans une pareille froidure, avec un p’tiot qu’avait pas 5 mois ! Et, elle se sentait toute patraque !…les hommes n’avaient qu’à aller à la messe, ils prieraient pour elle ; elle resterait là tranquille avec son p’tiot et préparerait un bout de réveillon pour quand ils reviendraient de la messe.

 

Sitôt qu’elle n’a plus entendu le pas des hommes, elle enroute son p’tiot dans une pointe de laine et dans un manteau, jette une grande cape sur son dos, attrape une ch’tite lanterne…et la voilà partie, le chapelet dans sa poche, son p’tiot serré contre elle. Elle qu’avait peur de tout, elle marche d’un bon pas, tête baissée, les quatre fers à la fois. En rien de temps, elle arrive vers la pierre ; elle s’assoit sur une queule, avec son p’tiot bien emmitouflé sur ses genoux…elle sort son chapelet…pas un bruit à part le toquement de son cœur…devant elle, la pierre noire, dressée dans la nuit noire.

 

Elle n’a pas eu à attendre bien longtemps…un coup de vent dans les branches… un grondement qui vient du fond de la terre…le premier coup de minuit au clocher de Vaumarin…la pierre se met à crouler et, d’un seul coup, se met à virer…par en dessous, un éclair de lumière…elle en est toute éberlutée…elle fait son signe de croix, serre son p’tiot plus fort contre elle…et là, juste devant elle, une grotte, une cave illuminée, …et à portée d’main des meules de louis d’or et d’écus d’argent, des vannées de pistoles, de pierres précieuses, de diamants de bagues…il y en avait des tas pus grôs qu’les taupéres de grain su nôt geurné aiprés l’battouèr…

…les vieux avaient raison, c’était bien vrai !

 

Voilà la Janie prise par la maladie de l’argent, la soif de l’or…elle est raide ensorcelée, r’vorchée en diabe, plus maitre d’elle… ! Elle s’élance, pose son p’tiot, sur le tas de louis d’or, et, avec les deux mains, elle remplit son d’vanté dont elle a retroussé les deux coins ; elle se dépêche, elle ramasse tout ce qu’elle peut ; en rien de temps elle a fait le plein ; elle s’apprête à reprendre son p’tiot pour se sauver, mais l’diabe est là, par derrière : « regarde ce robot Batman, et là ce déguisement de Dark Vador…là, là sur le coté, le coffret station Barbie…et encore une play’station… ». Elle l’écoute, se retourne, se baisse, charge tout ce qu’elle peut. Mais les 12 coups de minuit, ça passe vite : 10, 11,12. Elle s’élance sans en songer plus, soulée de tout ce qu’elle a vu ; c’est la dernière à passer en caisse ; elle a juste  le temps de sortir en se baissant pour passer par-dessous le rideau noir qui s’abaisse. En une enjambée, la voilà sur le parking de La Cave aux Trésors, poussant son caddie qui déborde…il faut encore qu’elle s’arrête à la pâtisserie Bonin et chez sa copine Josiane pour récupérer une robe…

 

…elle se demande si elle n’a rien oublié pour le réveillon de ce soir…

 

C’est en arrivant à la ferme du Trinquelin, alors qu’elle décharge son auto, qu’elle songe, tout d’un coup, à son p’tiot qu’elle a laissé là bas, posé sur un tas de peluches, dans La Cave aux Trésors.  Elle y retourne aussi vite qu’elle peut ; elle se cramponne au lourd rideau noir qu’elle essaie de soulever; elle tire, elle pousse ; elle appelle ; pas une âme qui vive, à cette heure-là, une nuit de Noël, dans ces zones commerciales ! Combien de temps est-elle restée là,en rébolant, prostrée, anéantie, devant l’affichette « Fermé jusqu’au 26 décembre » ? Personne ne le sait. Elle finit par reprendre le chemin de la ferme du Trinquelin. Pas loin de chez elle croise son homme, le Jacquot, et les voisins, revenus de la messe, qui ne la voyant pas, se demandent bien où elle a pu passer, et sont partis à sa recherche. La voyant dans cet état, le jacquot prend peur ; « mâs quouéqu’ç’ost don passai ? Quouéqu’t’ées fait ? » ; Elle n’a même plus la force de lui dire « y’ons  perdu not’pôore petiot » ;  voyant les affutiaux, les cartons et toutes les babioles, épinchéestout l’travers de la maison, le Jacquot du meurger des balais a vite compris. Ils n’ont pas mis longtemps, lui et les voisins, à se retrouver devant  La Cave aux Trésors, essayant de soulever le lourd rideau noir, passant par derrière le magasin, cherchant une ouverture sur le coté…Rien à faire !… que le vent qui pousse les papiers sur les parkings déserts et au loin le ronflement des voitures.

 

Allez faire rouvrir un magasin, une nuit de Noël : trouver un numéro de téléphone qui ne fait que sonner dans le vide, joindre la gendarmerie qui n’est pas la bonne – ce n’était pas son territoire d’intervention-, être finalement  renvoyer vers l’agence chargée de la sécurité, qui met plus de deux heures pour arriver et qui ne peut pénétrer dans le magasin que sur autorisation de son directeur…

 

Il est presque midi, c’est Noël ! C’est bien long pour remonter ce grand rideau noir ! La Janie n’en peut plus d’attendre…vite, reprendre son p’tiot, se sauver avec lui, pour faire, quand même, un bout de Noël. Ça y est ! La Cave aux Trésors s’éclaire…ça clignote de partout…les consoles, les boites de cube, les camions de pompier, les trottinettes…mais, c’est bien autre chose de plus chéri que la Janie cherche des yeux en se dressant sur ses airtos…

Là, sur l’empilement des peluches, où elle l’avait posé…son p’tiot… qui se réveille, en détirant ses bras, en se frottant les euillots, frais comme une p’tiote raite…et le voilà qui rit en lui tendant ses menottes ! Elle a bien cru en mourir…elle s’élance…attrape son p’tiot, se sauve en le serrant tout contre elle, jusqu’à l’étouffer, en l’boquant et en l’réboquant !

…mais, c’est le Jedaï, dressé debout sur la pierre, avec son aill’malle lâzer, qui a eu le dernier mot : « ai partir d’aujd’heu, piérre que vire te n’virrai pus ; jaimâs mortel ne r’vouairai les trésors caichés qui’d’sôs ; lai maudition du bon dieu ôst su z’eux »…et il a disparu dans une fumée bleuse !

 

Depuis ce Noël-là :La pierre n’a pu jamais viré.

La Cave aux Trésors,à Saulieu, n’a jamais rouvert ses portes.

L’église de Vaumarin et une bonne partie du pays autour ont brûlé.

Les moines ont occupé les lieux…et, sur la grosse Pierre… ils ont y installé Lai Dame qui tínt son p’tiot beín sârré contre elle !

Et si on prenait contact ?

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