Édité en 1949 par la librairie Jules Faisy à Louhans, les Contes de Panurge est un recueil de contes, de poèmes et d’histoires, écrits, pour la plupart en patois de la Bresse Louhannaise, par Jacques Roy.
Dans on ptchot village de Bresse, vivait Jan le Ménétri qu’était brâmant pouvre. I gaingnait tchèques sous en allant jui de la vieûle pou les bals, les renads, les ébaudes. Mais, ç’t an’nia avait été vraiment maûvaise : y avait greulé en jin ape tout esquinté les récoltes ; du coup, y avait point avu de fétes ni de vouillas. Il avait pôs gaingni on sou.
Vor, y’ était la vouille de Noué ape, dans sa pouvre baraque, il avait ran que deux raves, on grougnon de pain seu, ape de l’ édge pou réveillonner. Ses vouaisins avaint quand méme des matafans, des gaufres ou du boudin ape on ptchot bout de vin. Tout pron coup, quand la scioche son’nait pou la messe de min’nait, quétchon a toqué à la pouârte. Y’était on pouvre roulant, maigre c’ment on sciou, grelottant, pids nus, déchiré : « J’ai faim et froid ». Jan s’a dépachi de tiri na salle prés du fu ape de li bailli son maigre mangi. L’autre s’a mis à dévorer voracement. Dimpe la tombée de la nait, il avait toqué à toutes les pouârtes du village mais nion n’avait voulu l’ aidgi ! Il avait tellement faim qu’il a tout mangi ape bu toute l’ édge. Ape i s’a levé, a remercié pis a parti en djant que sa route était encore longe. Jan l’ a raccompagné à la co. En rentrant, ses eus ant chu su le crucifix au dessus du yet : oui, y était bien le méme corps maigre, le méme visage, les pids ape les mains que sagnaint… Alors Jan a vu : vor, su la traub’ille, y avait on morciau de pain bianc, du boudin, na grillade ape na fioûle de bon vin ! Il a tout compris, alors, avant de se mettre à mangi, i s’a approchi du crucifix ape, en remerciements, il a jui ion de ses rigodons préférés.
Dans un petit village de Bresse, vivait Jan le Ménétrier qui était très pauvre. Il gagnait quelques sous en allant jouer de la vielle pour les bals, les renards*, les ébaudes.* Mais cette année avait été vraiment mauvaise : il avait grêlé en juin et tout esquinté les récoltes ; du coup, il n’y avait point eu de fêtes ni de veillées. Il n’ avait pas gagné un sou.
A présent, c’était la veille de Noël et, dans sa pauvre baraque, il n’avait que deux raves, un croûton de pain sec, et de l’eau pour réveillonner. Ses voisins avaient quand même des matefaims, des gaufres et un peu de vin.Tout à coup, quand la cloche sonnait pour la messe de minuit, quelqu’un a toqué à la porte. C’était un pauvre roulant, maigre comme un clou, grelottant, pieds nus, déchiré : « J’ ai faim et froid ». Jan s’est dépêché de tirer une chaise près du feu et de lui donner son maigre manger. L’autre s’est mis à dévorer voracement. Depuis la tombée de la nuit, il avait toqué à toutes les portes du village mais personne n’avait voulu l’ aider ! Il avait tellement faim qu’il a tout mangé et bu toute l’eau. Puis il s’est levé, a remercié et est parti en disant que sa route était encore longue. Jan l’ a raccompagné dehors. En rentrant, ses yeux sont tombés sur le crucifix au dessus du lit : oui, c’était bien le même corps maigre, le même visage, les pieds et les mains qui saignaient… Alors Jan a vu : maintenant, sur la table, il y avait un morceau de pain blanc, du boudin, une grillade et une fiole de bon vin ! Il a tout compris, alors, avant de se mettre à manger, il s’est approché du crucifix et, en remerciements, il a joué un de ses rigodons préférés.
*les renards étaient les fêtes marquant la fin de gros travaux agricoles
* les ébaudes étaient les veillées où garçons et filles à marier se rencontraient pour danser
Y’a ben langtamps, la voueille de Noé, M Claude Gaufre, curé archiprêtre de Saigy, d’manda à san vicaire, d’aller dire la messe dans la pchote parouésse de Saint Martin du Mant.
Y fyot un fré de chin, la bise nouère corrot su la noge.
Vé huit heures du souère, l’abbé Ferdinand, s’ métu en route, su un pchot conteu,
E l’é parti de bonne heure , pace que é vouyot s’ érater dans éne farme, à couté de l’éllise, pour se réchandir apeu faire sochi ses sou-yers, avant d’aller dire sa messe.
Y’étot un jeune curé, prou savant, prou sage. Mais é l’avot un gros défaut, c’te curé, é l’aim-mot trop jû é cârtes.
A la ferme, an l’a fait s’ter à coûté de la grande chem’née, an y’a fait enlever ses sou-yers.
Mais soué, tout c’qu’é r’gaid’jot, y’étot les six hommes ass’tés auteu de la tôle, entrain de juer à la béte hambrée.
Y’avot le Jean Yaude Siman, ses deux drôles, deux volots, apeu un vouésin,
Y’avot éne bonne heure qu’é juint.
Tout par un cô, y’a un houme qu’entra en braiillant :
« Y’é t’y pas malheureux, j’ voux juer é cârtes, personne vout juer d’aveu moué »
Le bonhomme étot arrivé avant la né, d’aveu éne mule, chargie de babiaules de toutes sôrtes…. Des pattes, des coupe-choux, des bijoux.
L’aubergiste de Saint Martin y’avot dit qu’é pouvot le cûchi, l’y beilli à miger, mais cûchi sa mule.
A miger , y’avot de la soupe é fayots, des culs de poulots en rob’ de champ.
« Quoué , des fayots, des patates, mais j’en voux point !!!,
beillez me des saucisses apeu un bout de couchan grillé !!! »
« Mais des saucisses !!! y’an en a point » dit l’aubergiste
« Mais, y’é quoué dan,c’qui », dit le bonhomme, « dans la pénère iqui ? »
Pou l’tarrou, y’avot des bieudes apeu éne tranche de codre.
Tout par un cô, les bieudes sant dem’ni des saucisses
apeu la codre…. Un bout de lard, bien entrelardé.
« Dépôchez d’ me servi, ou ben j’ voux change en andouilles !! »
Ene heure d’après, tout le mande savot qu’avot un houme bizarre à l’auberge.
Quand é l’é entré dans la ferme, la mére Simon a fait un pchot signe au curé, qui vouyot dire : « fiez bien attentian , Mr le curé !! »
Mais le curé, tout ce qu’é vouyot, soué, y’étot jû é cârtes, apeu là, é l’avot trouvé un partenaire.
Au début, l’abbé pédjot, mais gros. A 11 heures, é l’étot camplétement queussé.
A miné, le curé s’est mis à gâgner .
La mére Siman, il dit :
« mr le Curé … la messe é sonnée !!!! »
« j’y vas…. J’y vas »
Mais é gâgnot toj’
La mére Siman : …. « Mr le Curé… la messe est sonnée…. !! »
« j’y vas , j’y vas ,……..atout, ratatout !! »
« Mais m’sieur l’abbé ….vot’ messe » ??
Le curé, qu’avot tous les mâtres, é d’jot pû ran, mais é sangeot , au djab’ la messe !!!
Là, le camina é dit , « foi de Méphis….. j’crés ben que m’sieu l’abbé va me prend’ tous mes sous, ma mule, peu mes affûtiaux »
La mouche étot prise…..mais é juint tôj’
Enfin, la partie étot finie, le curé, é l’a empôchi éne grosse pougnie de sous, des pièces d’argent, des louis d’ôr ….. « pou mes bonnes z’oeuvres » qu’é dit.
Apeu, é l’a corrut à san éllise.
Ben sûr, il étot farmée, les lumières sousch’iées.
Tout le mande étot parti s’ cûchi, en ragognant cant’ ce curé.
« mea culpea, mea culpa », qu’é dit
« heureusement , d’aveu tous ces sous, je vas pouvouère réparer ma faute »
Le lendemain matin, le vieux curé Gaufre, é l’ a trouvé not’ jeune curé, tout déchafrigni, tout beurzolo, entrain de vudi ses poches.
Y’avot point de louis d’ôr, mais des feûilles soches, des randelles de bieudes, des épluchures de poumes tarres.
« seûtes pas beurdin, m’sieur l’abbé » ???
« ben nan, y’é pû grâve que c’qui, j’ai pédju man âme »
L’abbé Ferdinand, an l’a anvie dans éne aut’ parouèsse.
E l’a pû jamais dit la messe, ni juer é cârtes.
Y’ é d’apeu c’temps, que les paroissiens de Saint Martin du Mant,vant à la messe de miné à Saigy.
Il y a bien longtemps, la veille de Noël, M Claude Gaufre, curé archiprêtre de Sagy, demanda à son vicaire, d’aller dire la messe dans la petite paroisse de Saint Martin du Mont.
Il faisait très froid, la bise courrait sur la neige.
Vers huit heures du soir, l’Abbé Ferdinand se mit en route, sur un petit chemin à travers champs.
Il partit de bonne heure, il voulait s’arrêter dans une ferme, à côté de l’église, pour se réchauffer et faire sécher ses chaussures, avant d’aller dire sa messe.
C’était un jeune curé, bien savant, bien pieux. Mais il avait un défaut, ce curé, il aimait trop jouer aux cartes.
A la ferme, on l’a fait asseoir à côté de la grande cheminée. On lui a fait enlever ses chaussures. Mais, lui, tout ce qu’il voyait, c’était six hommes, assis autour de la table, entrain de jouer à la bête hombrée.
Il y avait le Claude Simon, ses deux fils, deux ouvriers agricoles, et un voisin.
Ils jouaient depuis une bonne heure.
Soudain, un homme entra en hurlant.
« C’est -y pas malheureux, je veux jouer aux cartes, personne ne veut jouer avec moi »
L’homme était arrivé, avec une mule, chargée de bricoles de toute sorte, des tissus, des rasoirs, des bijoux.
L’aubergiste de Saint Martin lui avait dit qu’il pouvait le coucher, lui donner à manger, mais il ne pouvait pas coucher sa mule.
A manger, il y avait de la soupe aux haricots, des pommes de terre en robe de champ.
« Quoi, !! des haricots, des pommes de terre, mais je n’en veux pas »
« Donnez moi des saucisses et du cochon grillé !! »
« Mais, des saucisses, il n’y en a pas » dit l’aubergiste.
« Mais, qu’est ce que cela » dit le bonhomme, « dans le panier, ici ???i »
Par terre, il y avait des betteraves et une tranche de courge.
Tout d’un coup, les betteraves se sont transformées en saucisses, et la courge……en un morceau de lard, bien entrelardé.
« dépêchez vous de me servir, ou bien je vous transforme en andouilles !! »
Une heure plus tard, tout le monde savait qu’il y avait un homme bizarre, à l’auberge.
Quand il est entré dans la ferme, la mère Simon a fait un petit signe au curé, qui voulait dire : « faites bien attention, mr le Curé !!! »
Mais, le curé, tout ce qu’il voulait, lui, c’était jouer aux cartes, et là, il avait trouvé un partenaire.
Au début, l’Abbé perdait, beaucoup. A 11 heures, il était complètement ruiné.
A minuit, le curé s’est mis à gagner.
La mère Simon dit :
« mr le Curé….la messe est sonnée !!! »
« j’y vais…. J’y vais …. »
Mais il gagnait toujours.
La mère Simon : « Mr le curé……la messe est sonnée…… !!! »
« j’y vais……j’y vais…..atout, ratatout !!!! »
« Mais, M’sieur l’abbé, votre messe ??? »
Monsieur le curé, qui avait tous les maîtres, ne disait plus rien, mais il songeait, au diable la messe !!!
Et là, le cheminot, il dit « foi de Méphis………, j’crois bien que monsieur le curé va me prendre tout mon argent, ma mule et mes babioles.
La mise était prise. ……Mais ils jouaient toujours.
Enfin, la partie était finie, le curé a empoché une grosse poignée d’argent, des pièces, des louis d’or. « pour mes bonnes oeuvres » qu’il dit
Et, il a couru jusqu’à son église.
Bien sûr, elle était fermée, les lumières éteintes.
Tout le monde était parti se coucher, en pestant contre le curé.
« mea culpa, mea culpa » qu’il dit.
« heureusement, avec tout mon argent, je vais pouvoir réparer ma faute »
Le lendemain matin, le vieux curé Gaufre a trouvé notre jeune curé, tout ébouriffé,
tout énervé, entrain de vider ses poches.
Il n’y avait point de louis d’or, mais des feuilles sèches, des rondelles de betteraves et des épluchures de pommes de terre.
« mais , vous n’êtes pas fou, monsieur l’abbé » ????
« et bien non, c’est plus grave que cela, ja’ ai perdu mon âme »
L’abbé Ferdinand, on l’a envoyé dans une autre paroisse.
Il n’a jamais plus dit la messe, ni joué aux cartes.
C’est depuis ce temps là, que les paroissiens de Saint Martin du Mont, vont à la messe de minuit à Sagy.
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